Notre ami Julian Brookstein est ranger à Camp Hwange. Il est l’un des guides professionnels les plus expérimentés de la région. Il connaît les secrets du parc national de Hwange au Zimbabwe, sa flore bien sûr mais surtout sa faune. Le parc est en effet réputé pour l’incroyable diversité de ses espèces. Julian nous livre pour vous l’une de ses nombreuses expériences de safaris. Alors embarquez tout de suite direction Camp Hwange pour une course poursuite avec le guépard, l’un des animaux les plus difficiles à observer. A vos jumelles !
Selon moi, beaucoup de personnes souhaitant découvrir les safaris à Camp Hwange sont trop impatientes. Peut-être ont-elles trop regardé ces documentaires animaliers spectaculaires sur les chaînes de télévision. Ces gens veulent souvent tout voir et très vite.
J’ai récemment eu un hôte, qui, à peine arrivé au camp, m’annonce qu’il se fiche complètement de voir un Kudu, un Impala, ni même un Waterbuck. Il poursuit sa liste en m’énumérant à peu près tous les animaux que l’on observe d’habitude à Camp Hwange.
Seul le nec plus ultra l’intéresse : il veut voir un guépard, un chien sauvage Lycaon et une antilope Grysbok. Voilà plus de 25 ans qu’il fait des safaris. Il a déjà tout vu et plusieurs fois hormis ces trois espèces. Et il compte bien les voir cette fois.
Surpris mais amusé, je lui souris et lui réponds : «ça va être un safari fantastique, c’est exactement ce que moi aussi j’ai toujours voulu voir ».
Le jour même, nous partons en safari. Alors que nous traversons le camp en 4×4, j’aperçois plusieurs lions au loin. Croyez-le ou non, mais complètement impassible, mon hôte me demande de ne pas m’arrêter. L’air détaché, il me rappelle pourquoi il est venu à Camp Hwange. Et jusqu’à preuve du contraire, ces gros chats au loin ne sont ni un guépard, ni un Lycaon ni un Grysbok.
Le matin suivant, nous levons le camp avant la levée du soleil. Je sais que le guépard a récemment été aperçu à Masuma. Je décide donc d’y emmener mon hôte. Devant moi, il y a déjà un autre guide du camp qui parvient à Masuma avant nous. Il me fait part, par radio de sa découverte : des empreintes fraiches de lions. Il part à leur recherche et promet de me tenir informé.
Ayant retenu la leçon d’hier et connaissant l’intérêt très limité de mon hôte pour les lions, je ne dévie pas ma route, bien décidé à aller sur les traces du guépard.
Mais le guide me rappelle quelques minutes plus tard. Il a retrouvé la trace des lions. Ils sont là devant lui avec… seize petits lionceaux ! Persuadé que personne ne peut rester insensible au charme de seize adorables petits lionceaux, j’en informe mon hôte. Mais encore une fois, son visage ne montre aucun signe d’attendrissement. Il me répond, stoïque, qu’il a chez lui l’enregistrement vidéo du jour où il a réussi à observer 35 lions à South Luangwa. Pour faire bref, il s’en fiche complètement. Je décide de le prendre avec le sourire et de continuer ma route.
Arrivés à l’endroit vers lequel le guépard aurait récemment été aperçu, nous descendons du véhicule pour nous assoir quelques instants. A peine dix minutes se sont-elles écoulées que mon hôte s’impatiente déjà. Il souhaite que l’on poursuive notre chemin. Je lui réponds que l’on va rester plantés ici un moment pour observer.
Nous sommes rapidement rejoints par un autre véhicule. Deux hommes en descendent et marchent jusqu’à nous l’air enthousiaste. Ils viennent de voir un guépard ! La bête s’est enfuie dans le bush. Nous entreprenons alors, tous ensemble, de partir à la recherche du guépard. Tous avec nos jumelles, nous quadrillons le territoire. Après de longues minutes, nous l’apercevons enfin. Il ne doit être qu’à une trentaine de mètres de nous. Il gambade et flâne dans le bush. Il flâne, s’étire et se repose. Mais à mesure qu’il s’avance dans le bush, les herbes deviennent de plus en plus hautes jusqu’à placer le guépard hors de notre vue. Mon hôte se met à jurer. Il perd ses moyens. Je lui dis calmement que nous ne sommes pas loin du but. Il ne nous reste que 3 choses à faire : s’assoir, observer et attendre.
Alors on s’assoit, on observe et on attend.
On attend longtemps d’ailleurs. Une heure s’écoule sans l’ombre d’un mouvement du guépard.
Mon hôte ne tient plus en place et décide de rompre le silence. Il pense que le guépard est parti derrière le bush vers la rigole au loin. Il veut quitter notre emplacement pour nous avancer dans le bush.
Je souris et lui dis calmement qu’il est arrivé ici avec une liste des espèces à observer des plus exigeante. Nous nous trouvons à quelques mètres seulement du numéro un de sa liste. On ne le voit peut-être pas mais l’on sait tous qu’il est bien là.
Je sais au fond de moi, que le guépard a très bien pu fuir. Mais je suis persuadé qu’il va se manifester. Le soleil est maintenant au plus haut dans le ciel. Vous n’êtes peut-être pas sans savoir que le guépard chasse la plupart du temps au plus chaud de la journée. Tout simplement parce qu’à cette heure là, les autres prédateurs se reposent à l’ombre. Le guépard n’étant pas le plus haut placé dans la hiérarchie des prédateurs, il profite du repos de ces derniers pour chasser en paix.
Sûr de moi, je dis à mon hôte que nous allons restés ici à ne rien faire d’autre que de regarder et d’attendre. Il finit par m’obéir après quelques lamentations.
Quand soudain, le gros félin se décide à bouger !
Il marche tout en scrutant l’étendue qui se dégage devant lui. Il a en effet en ligne de mire un troupeau de waterbucks, quelques impalas et un ou deux phacochères. Il est concentré et observe l’agitation. Après 5 minutes d’indécision, il se retourne finalement pour s’allonger sous le bush. Hors de la portée de nos jumelles.
Mon hôte se tourne alors vers moi mais avant qu’il ne puisse ouvrir la bouche pour dire quoi que ce soit, je lui rétorque mon refrain habituel : on s’assoit, on regarde et on attend.
Encore une heure et demie à patienter sans que rien ne bouge. Quand soudain le félin se décide enfin à sortir de sa cachette pour recommencer à rôder, avec cette fois plus de conviction dans sa foulée. Il s’avance jusqu’à une crête, renifle le sol et fixe l’étendue.
Nous avons tous nos jumelles ruées sur lui.
Il se redresse et descend du petit talus pour se mettre en position d’observation. Le troupeau de waterbucks sous ses yeux. Il reste assis, aux aguets pendant une vingtaine de secondes seulement, avant de bondir lentement, tout en retenu. Il semble trotter vers le troupeau, le corps le plus proche du sol possible, presque invisible. Il parcourt une trentaine de mètres, sans que ni les waterbucks ni les phacochères ne le remarquent.
Puis soudain, le guépard explose. Son accélération est incroyable. J’avais déjà eu la chance de pouvoir observer un guépard une paire de fois à l’état sauvage. Et laissez-moi vous dire qu’il faut le voir pour le croire.
Il ne lui faut pas plus de quelques secondes pour rattraper le troupeau. Mais celui-ci s’est entièrement éparpillé aux premières accélérations du prédateur. Le guépard a néanmoins déjà choisi sa proie et semble décidé à s’y tenir : une petite antilope légèrement à l’écart du troupeau. Elle sent immédiatement le danger et prépare sa fuite. Elle se fraie un chemin dans les fourrées de mopanes. Le guépard la poursuit mais contre toute attente, trébuche dans le sable. L’antilope profite de cette aubaine pour le distancer. Le prédateur reprend sa foulée et rattrape sa proie en l’espace de quelques secondes. L’antilope dévale dans la plaine mais le guépard court-circuite sa trajectoire, la rattrape et de sa cheville, la croche-patte. En pleine vitesse, le bébé antilope s’effondre sur le sol. Le guépard se dresse au-dessus de sa proie à terre, l’observe quelques instants, comme s’il préparait avec jubilation la morsure fatale.
Alors qu’il s’apprête à la dévorer, la mère réapparait de nulle part. Je dois avouer que je l’avais jusque là complètement occultée de mon champ de vision, comme fasciné par la scène. La mère dévale vers le fauve avec la ferme détermination de percuter le félin avec sa tête. Le guépard semble pris au piège, mais à la dernière seconde, il prend la tangente et se décale de la trajectoire furibonde du waterbuck. Pendant ce temps, la pauvre petite antilope bêlant doit penser qu’il en est fini d’elle. Mais très vite les deux waterbucks rejoignent le troupeau, le guépard se tient là, impassible mais déçu d’avoir raté sa proie.
Alors que l’excitation retombe, je marche vers mon hôte et je lui dis : « Alors, ça valait pas le coup de s’assoir, d’attendre et d’observer hein ? »
Le soir même, nous avons vu un Grysbok. C’était seulement le deuxième que je voyais à Camp Hwange et ce, juste après avoir eu la chance d’observer un pangolin. Le troisième que je n’avais jamais vu !
Cerise sur le gâteau, nous avons également vu ensemble une dizaine de lycaons près de la rivière le jour suivant.
Dire que mon hôte était ravi serait un euphémisme. La dernière matinée de son séjour, alors que nous partons en safari, il ne se joint pas à nous. Surpris, je lui demande ce qu’il lui arrive. Il me répond qu’il est déjà entièrement satisfait de ce qu’il a vu. Il ne lui en faut pas plus. Il préfère passer sa matinée ici au camp, pour finir son livre. Et croyez moi ou non, une lionne s’est approchée de la rivière, alors qu’il lisait !
Le safari n’est pas une science exacte. Certains sont parfois déçus, mais souvent à Camp Hwange, le hasard fait bien les choses si l’on sait s’assoir, observer et on attendre.
Retrouvez le récit de Julian Brookstein en version originale sur le blog de Camp Hwange et n’hésitez pas à nous laisser vos commentaires.
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Commentaire amer les amis.c est ce qui s appelle donner des truffes aux cochons…
j espere pouvoir vs visiter bientot.
amicalement.
ps.avez vs eu des traces de l rmpoisonnement des elephants?
sophie