Rencontre avec Karine Ghemari, spécialiste de l’Asie chez Makila Voyages. Nous l’avons rencontrée quelques semaines après son voyage en Birmanie.
Blog Makila Voyages (BMV) : Comment la Birmanie, appelée aujourd’hui Myanmar, se démarque-t-elle de ses voisins de l’Asie du Sud-Est ? Quelle est la nature profonde de ce pays ?
Karine Ghemari (KG) : La Birmanie a préservé son authenticité. Avec le Laos, la Birmanie est le plus authentique de tous les pays d’Asie du sud-est que j’ai pu visiter. Le Vietnam, le Cambodge et plus encore la Thaïlande sont de plus en plus construits, touchés par la mondialisation galopante. Ces pays ont encore de magnifiques horizons à offrir mais la Birmanie, par son architecture, sa ferveur et la générosité de ses habitants, laisse une très forte empreinte de vérité qui touche au cœur.
Même si les birmans ont désormais tous un portable, même si tout devient accessible, les villes birmanes sont encore relativement vierges de ces buildings qui poussent comme des temples partout ailleurs. La Birmanie a su garder ce côté village, à taille humaine. Les vêtements traditionnels font également beaucoup pour l’authenticité du pays. Les hommes s’habillent en sarong et les femmes sont toujours en costume traditionnel deux pièces, elles sont toutes très colorées, très apprêtées.
Elles ont le visage recouvert de thanaka, cette pâte cosmétique végétale qui est bien plus qu’un produit de beauté, c’est une façon de vivre. Tout le monde se couvre de thanaka, qui existe aussi en poudre, les femmes l’utilisent pour se protéger la peau, du soleil et du temps, et surtout parce qu’elle fait partie intégrante de la beauté des femmes en Birmanie.
Elles ont le visage recouvert de thanaka, cette pâte cosmétique végétale qui est bien plus qu’un produit de beauté, c’est une façon de vivre.
BMV : Racontez-nous votre voyage et ses étapes, nous sommes à Paris, aéroport de Roissy, le 13 avril dernier.
KG : Je suis arrivée le lendemain matin à Yangon après 14h de vol et 2h de transit à Bangkok. Après deux nuits à Yangon, j’ai pris l’avion pour Bagan pour découvrir le plus ancien site archéologique de Birmanie. Situé à une vingtaine de kilomètres du vieux Bagan, c’est un site qui abrite plus de 3000 stupas datant du XIème ou XIIème siècle. C’est un spectacle incroyable. Les stupas sont des monuments bouddhiques, de petites structures qui abritent un bouddha. Après trois nuits à Bagan, je navigue sur l’Irrawaddy, le principal cours d’eau Birman, pour rejoindre Monywa pour une nuit. Puis trois nuits à Mandalay, trois nuits au Lac Inle et une dernière à Yangon soit 14 nuits en tout.
Les points forts de ce voyage sont Bagan pour l’histoire, Mandalay pour les temples et les tapeurs d’or -Mandalay est la deuxième plus grande ville de Birmanie- et enfin le Lac Inle pour tout le côté mystique qui cultive la légende de cet endroit. La brume qui se lève le matin sur les pêcheurs, ces jardins flottants absolument uniques, c’est un horizon magique. Les maisons sont construites sur pilotis, les habitants ont même réussi à brancher leur maison sur un réseau électrique avec des poteaux plantés ici et là. La culture intensive qu’ils ont développée a provoqué un changement de l’écosystème qui commence à être visible et il est de plus en plus difficile pour eux de vivre de la pêche. Le lac baisse de niveau un peu plus chaque année. La zone est devenue zone protégée, c’est une des plus grandes réserves d’oiseaux de toute la Birmanie.
C’est un endroit complètement improbable, presque féérique, une autre vie, avec les habitants qui se lavent dans la rivière, et plus loin les buffles dans l’eau.
BMV : Les gens sont-ils plutôt ouverts ou plutôt réservés ?
KG : Les gens sont très chaleureux, très curieux, j’ai autant pris les gens en photo qu’ils m’ont prise en photo. Ils sont ravis de voir des étrangers. Les guides sont charmants. Comme ce guide qui nous a invités chez lui à dîner. Quand nous étions à Yangoon, nous avons mangé dans un excellent food-street, il faut faire attention au choix des restaurants, il faut écouter les guides et aller uniquement dans les endroits recommandés par eux. La vie n’est pas chère, la monnaie est le Kyat (1 euro € = 1 585,55 Kyats), nous n’avons jamais mangé pour plus de 5 euros le midi mais j’insiste, toujours dans des endroits recommandés.
Un midi, tout était complet, un jeune homme nous a fait signe de venir nous asseoir à sa table, et au moment où on a voulu payer la note il nous avait déjà invités. Un jeune de 20 ans, il était tellement content de pouvoir nous être utile en nous invitant qu’il a eu ce geste aussi élégant que généreux. Il était musicien. Il s’appelle Pinke. Nous n’aurions pas pu vivre cette scène un soir parce qu’en Birmanie, il n’y a pas de vie nocturne, on se lève avec les poules et on se couche avec les poules. Seuls les hommes sortent le soir.
Ils sont timides, et très respectueux surtout. Ils ne parlent pas aisément à cause de leur réserve naturelle mais aussi parce qu’ils ont pris l’habitude de se taire, un peu comme à Cuba. Les régimes totalitaires n’invitent pas à être curieux ou expansif. Ils parlent, ils sont heureux, ils te montrent qu’ils sont contents de te voir mais les anciennes générations observent une certaine prudence, qui s’estompe avec les nouvelles générations connectées au monde entier. Les birmans sont très respectueux, très honnêtes, il n’y a aucun vice dans leur comportement. Là-bas, on donne avec plaisir.
BMV : Si vous ne deviez retenir qu’une seule émotion parmi toutes celles qui ont accompagné votre voyage, un endroit en particulier ?
KG : Sans hésiter le lac Inle. J’ai été bouleversée par sa grandeur, la sérénité qu’il diffuse, touchée au cœur par ses habitants, des gens formidablement généreux, et par la dimension culturelle de cet endroit. J’ai adoré Pindaya, cette ancienne villégiature des expatriés britanniques, porteuse de légendes comme celle qui raconte l’histoire de sept princesses réfugiées dans une grotte un soir d’orage, mais la toile tissée par une araignée géante les empêchait de sortir. Un prince qui passait par là, entendant les cris des princesses, est venu les sauver après avoir tué l’araignée géante.
C’est une grotte immense inondée de Bouddhas. Je n’avais jamais vu autant de bouddhas dans un même endroit. A part peut-être dans ce temple symbole de la démesure birmane, à Monywa, où le dernier décompte faisait était de 158.000 bouddhas. Ce qui n’en fait pas le temple le plus pourvu puisque le seul temple de Thanboddhay en abrite plus de 580.000 !
Le Lac Inle allie le charme et le luxe. Sur le site d’In Dein par exemple, on prend un petit bras de rivière, on passe entre les bambous, on prend de l’élan, on monte, et on débarque dans un village avec plein de stupas tout autour. C’est un endroit complètement improbable, presque féérique, une autre vie, avec les habitants qui se lavent dans la rivière, et plus loin les buffles dans l’eau, une scène qu’on ne voit pas ailleurs, sauf peut-être au Sri Lanka.
Bagan est aussi un joli souvenir, c’est plus impressionnant qu’Angkor, avec ces pierres rouges qui sortent de partout. A Mandalay j’ai adoré visité l’île d’Ava en petite calèche. L’île est au milieu des rizières, plutôt à faire le matin ou en fin d’après-midi pour éviter la chaleur. On traverse l’Irrawaddy, on prend le bateau avec tout le monde, c’est vraiment dépaysant.
Dès qu’ils ont du temps libre, des vacances, les gens font des pèlerinages religieux aux quatre coins de la Birmanie.
BMV : La Birmanie en un mot, c’est la ferveur ?
KG : Il n’y a pas de meilleur mot pour qualifier ce pays. Leur ferveur est exceptionnelle, partout, tout le temps. Ils donnent de l’argent sans cesse. Ils achètent des feuilles d’or pour coller sur les bouddhas. Il est interdit de les appliquer au delà de la taille des bouddhas pour ne pas les déformer. Les tapeurs de feuille d’or tapent et cisèlent ces feuilles qu’ils vendent en petits ballots. On décolle alors la feuille d’or qu’on vient appliquer sur les jambes du bouddha comme une offrande. Cette feuille d’or se fait principalement à Mandalay.
Tout est dans la démesure, par exemple, j’ai vu un champ de Bouddhas ! Ils semblaient pousser comme des champignons, c’était une scène vraiment cocasse et littéralement extraordinaire. Dès qu’ils ont du temps libre, des vacances, les gens font des pèlerinages religieux aux quatre coins de la Birmanie. On voit régulièrement des familles entières près des pagodes ou des temples. Il n’y a pas beaucoup d’attente pour visiter les temples, tout se fait librement, simplement. La seule obligation qu’il faut respecter est d’être pieds nus.
A Yangon, nous avons pris un petit train local pour traverser la ville et aller de l’autre côté du fleuve (Yangon River) voir un marché traditionnel. On assiste à la fabrication du Cheroot, le cigare traditionnel birman, ils ont plusieurs tailles, d’un barreau de chaise cubain jusqu’à la cigarette très fine, ils sont parfumés à la banane, à l’anis, au miel… Et puis on arrive à la pagode Schwedagon, incontournable joyau de la ferveur Birmane, une des plus célèbres pagodes du monde. Là, vous prenez la mesure de ce que signifie le mot « ferveur ». J’ai aussi été très impressionnée par Monywa, et les grottes de Po Win Taung, et ces temples creusés dans la falaise, ces formidables peintures rupestres.
BMV : Faut-il se préparer à un climat particulier ? Vous avez souvent pris de petits bateaux, l’eau est très présente en Birmanie ?
KG : L’eau est même vénérée au point de la fêter ! Je suis justement arrivée le jour de la fête de l’eau, et là aussi, c’est complètement démesuré, les gens sont arrosés par toutes sortes de contenant, jusqu’à la lance à eau ! De nombreux stands sont installés un peu partout, et les gens défilent sur des « trucks », ils arrosent, sont arrosés, c’est la Thaïlande puissance mille sur ce sujet de la fête de l’eau.
En Birmanie, le climat est tropical, la saison des pluies s’étend de mi-mai à octobre et une saison plus fraîche et sèche commence en novembre pour se terminer vers la mi-février. Puis une saison très chaude précèdant la mousson s’ouvre de mi-février jusqu’au début du mois de mai. La météo est très agréable, en décembre – janvier – février il fait très bon, même s’il fait un peu plus frais le matin mais les journées sont très agréables et le chaleur est bien plus supportable qu’en haute saison. Les moustiques sont assez présents puisque la région est humide et assez luxuriante. La basse saison c’est de mi-avril à mi-septembre. Pendant la haute saison il fait très chaud, jusqu’à 45 degrés à Bagan. Je suis partie au début de la basse saison.
J’ai fini mon voyage là où l’eau est la plus belle, sur la plage Ngapali, c’est un régal parce que contrairement à partout ailleurs, elle n’est pas pleine de touristes. Imaginez une plage de sept kilomètres de sable blanc, une eau magnifique, un village de pêcheurs juste à coté, pas de jet ski ou de parachute ascensionnel, on part se promener en barque avec les pêcheurs, c’est absolument paradisiaque.
(photos 1 – 2 – 3 – 5 – 6 Nathalie Micaud)
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