Si vous êtes partis en safari une fois dans votre vie, vous avez passé du temps avec eux, vous avez mesuré leur passion, leur culture, vous savez à quel point les rangers ne sont pas seulement des chauffeurs de 4×4 sur pistes sauvages. Ce que l’on sait moins, c’est la difficulté de la formation d’un guide professionnel.
Comment devient-on Ranger ? Comment devient-on guide professionnel au bout du monde pour servir et protéger les clients voyageurs ? Un véritable parcours du combattant qui consacre les meilleurs et que nous vous détaillons ici en prenant l’exemple de la formation d’un guide professionnel au Zimbabwe.
La formation d’un guide professionnel est accessible à deux conditions : avoir le permis de conduire et suivre un cours de secourisme. Une fois ces conditions remplies, vous devrez passer quatre examens pour devenir un guide de conduite de base et justifier de la connaissance et de la maîtrise des sujets suivants :
La loi : une maîtrise indispensable qui implique beaucoup de paperasse et d’administratif. Il est impératif de comprendre les aspects juridiques et toutes les responsabilités de ce poste ainsi que les conséquences en cas de problème. Vous devez également apprendre la réglementation des parcs nationaux.
La balistique : apprentissage du fonctionnement et de l’utilisation des armes.
Les habitats : connaissances de base sur les arbres, les oiseaux, la faune et la flore de la région dans laquelle le guide va travailler.
Connaissances générales : Connaissances sur le monde, le Zimbabwe, l’Histoire, les dates et événements importants, les parcs nationaux, les problèmes de conservation, les mécanismes et tout ce que vous devez savoir pour répondre aux questions des clients.
Si vous réussissez à passer cette difficile étape, vous devenez un guide officiel et reconnu. Vous devez alors trouver un emploi dans un camp du Zimbabwe comme Camp Hwange par exemple, où vous recevrez une formation supplémentaire sous la direction d’un guide professionnel.
Point très important, vous commencez à tenir un journal de bord qui sera conservé tout au long de votre formation. Vous y noterez tout ce que vous avez fait au cours de cette période, toutes vos expériences, scènes de safaris, lectures de ces scènes, promenades, travaux à faire. C’est un document essentiel car c’est un compte-rendu de vos expériences.
Le Zimbabwe diffère de la plupart des autres pays en ce qui concerne la formation puisqu’une partie concernant la chasse y est incluse. Ceci est probablement considéré comme le seul inconvénient de la formation et ne profite pas vraiment aux guides, mais c’est obligatoire. Cette obligation de chasse concerne ce qu’on appelle le PAC (contrôle des animaux à problème).
Des animaux sauvages errent à l’extérieur du parc et il arrive souvent, surtout pendant la saison des pluies, qu’ils se nourrissent des récoltes des villageois locaux. Si par exemple, un éléphant harcèle continuellement un village et lui cause d’importants dégâts, le conseil le déclare alors comme un animal à problème et une demande est envoyée aux parcs nationaux pour que l’animal soit éliminé.
Les responsables du parc demandent alors aux guides stagiaires de venir chasser l’animal et ces derniers, accompagnés d’un guide professionnel, viennent éliminer l’animal à problème. La viande est donnée aux agriculteurs qui ont perdu le plus de récoltes, la peau est donnée au conseil où elle est tannée et utilisée pour fabriquer des chaussures, des ceintures, des porte-documents, les défenses sont données aux parcs nationaux.
C’est évidemment la part la plus difficile de ce travail mais elle est essentielle. Un guide fait ce métier par amour de la nature et des animaux mais il doit absolument protéger les clients et avoir l’expérience de l’élimination de l’animal. Au cours de votre carrière de guide, si vous êtes confronté à une situation où vous devez abattre un animal, cet exercice vous prépare mentalement à cette situation et vous apprend à le faire correctement.
Une fois que vous avez passé cet examen de chasse particulièrement difficile, moralement, nerveusement et physiquement, vous enchaînez avec un examen de tir.
Cette pratique ne doit pas être confondue avec l’abattage, c’est la gestion d’un seul animal à problème alors que l’abattage est une forme de contrôle de la population animale.
Pour avoir la qualification de guide professionnel vous devez avoir au moins quatre « chasses dangereuses » à votre actif, notifiées dans votre journal de bord (et évidemment validées par le guide professionnel qui vous accompagne). Les éléphants et les buffles sont considérés comme des chasses dangereuses ou « jeux dangereux » (« dangerous games », pour parler de chasse, ou de safari, on utilise le terme « game » en anglais), bien que certains guides stagiaires aient également abattu des lions devenus problématiques et dangereux autour des villages.
Une fois que vous avez passé cet examen de chasse particulièrement difficile, moralement, nerveusement et physiquement, vous enchaînez avec un examen de tir. Deux examens de tir sont organisés chaque année. Un examen de tir comprend trois tests.
Vitesse et précision : les cibles sont placées à 10m, 7m et 5m, vous tirez sur le premier à 10m puis 7m puis 5m, vous rechargez puis répétez dans la direction opposée, 5m puis 7m puis 10m. La vitesse et la précision sont les qualités qui seront retenues.
Endurance, contrôle et rapidité : vous devez courir 40m entièrement équipé, puis tirer sur 4 cibles différentes. Ceci est un test de votre condition physique, de votre contrôle de la respiration, de votre précision et de votre rapidité, autant d’éléments essentiels dans votre vie de guide.
Cible mouvante et prise de décision : il s’agit du test le plus concret, une cible de lion est placée sur un tapis roulant dont la vitesse est celle d’un lion en train de charger: 22 mètres par seconde. Vous vous tenez devant la cible lorsqu’elle se dirige vers vous et vous devez la tirer à moins de 10 m, puis recharger et vous écarter. La loi stipule que pour qu’un animal soit considéré dangereux, il doit se trouver à 10 mètres maximum.
Dans le cas malheureux où vous devez abattre un animal dans le cadre de votre travail, vous devez quitter les lieux immédiatement et traiter l’endroit comme une scène de crime. Les autorités pourront vérifier vos empreintes de pas, celles des animaux, l’endroit où l’animal est couché, les cartouches éjectées, etc. Ils décident ensuite de l’état de légitime défense.
Si vous passez l’examen de tir avec succès, vous êtes qualifié pour l’examen oral. C’est un minimum de deux années supplémentaires d’étude et de travail, la durée moyenne étant de 3 à 6 ans. Pour cet examen vous entrez dans une salle et vous remettez votre journal de bord aux examinateurs (jusqu’à une dizaine possible face à vous). Le journal est ensuite lu à haute voix pour vérifier votre niveau d’expérience et tout ce que vous avez fait jusqu’alors. La fraternité des directeurs de formation et des guides professionnels étant assez étroite, les examinateurs sauront probablement avec qui vous avez étudié. Une fois qu’ils vous connaîtront un peu, ils commenceront à vous poser des questions.
Sur une table, plusieurs crânes d’animaux sont disposés, tels que mangouste, chacal, civette, hyène, lion, etc. On vous demandera de les identifier et de donner les raisons pour lesquelles vous en êtes arrivé à cette conclusion. Cela comprendra la structure des dents et leur nombre. Il pourrait y avoir une similitude entre un jeune et un adulte d’une espèce plus petite. Vous devrez donc examiner la structure du crâne et d’autres indices pour étayer vos conclusions. Vous devez avoir une solide connaissance des structures du crâne des animaux.
Le test suivant propose une sélection de petits morceaux de peau d’animal que vous devez identifier pendant que plusieurs personnes vous parlent en même temps, vous posant différentes questions sur le bush. Le but est de voir comment vous gérez la pression puisque vous dirigerez un groupe qui peut aller jusqu’à six clients (guests) et vous devez être en mesure de répondre à leurs questions, chacune pouvant avoir un intérêt. En outre, cela leur indique clairement quel type de personne vous êtes et comment vous gérez la pression.
Les examinateurs peuvent également vous installer dans un scénario particulier, par exemple vous présenter une boîte en bois avec un serpent vivant à l’intérieur. Vous devrez ouvrir la boîte pendant deux secondes, puis dire que votre client a été mordu par tel serpent (vous l’aurez l’identifié), connaître son type de poison, sa structure en tous points et connaître les procédures médicales à suivre. SI une telle situation devait arriver, le client aura alors toutes les chances de survivre quelle que soit la morsure, quel que soit le venin. A la fin de toutes les questions, vous quittez la salle et les examinateurs délibèrent avant de décider de votre sort. Vous aurez réussi ou pas. S’ils sont indécis, vous pouvez être invité à revenir dans la pièce, puis à donner plus d’informations sur les crânes ou sur tout autre élément sur lequel vous auriez pu avoir un niveau insuffisant. L’examen d’Adam a duré environ 25 minutes, mais ils peuvent durer jusqu’à une heure.
Les examinateurs peuvent également vous installer dans un scénario particulier, par exemple vous présenter une boîte en bois avec un serpent vivant à l’intérieur.
Passé l’examen oral, arrive l’examen final. Il s’agit d’un examen pratique d’une semaine réunissant tous les candidats qui ont passé avec succès l’épreuve orale organisés en 4 équipes. Il appartient maintenant à votre équipe de 4 personnes de rester en contact et de commencer la préparation de la finale. Vous aurez besoin de rassembler tout l’équipement nécessaire à la construction d’un camp. Vous devrez vous débrouiller pour que votre camp soit constitué des éléments suivants : une caméra de brousse, des tentes avec deux lits et une literie, des toilettes, une douche, une cuisine et un coin cuisine, une salle à manger avec table et chaises, de l’électricité, une laverie et des véhicules de safari, ainsi qu’un peu de personnel. Vous allez être noté sur la qualité de votre camp, vous devez donc bien vous préparer.
Vous avez trois à quatre semaines de préparation pour rassembler tout ce dont vous avez besoin pour la construction de ce camp. Lorsque vous serez prêt, on vous dira où se trouve le camp et vous aurez deux jours pour acheminer tout votre matériel sur le site et pour construire votre camp. Vous êtes autorisé à avoir 4 membres du personnel par équipe qui se compose généralement d’un chef, un serveur et deux aides de camp. Cela signifie donc que chaque équipe de 8 personnes doit mettre en place un camp pleinement opérationnel en 2 jours !
C’est un exercice très difficile mais cette expérience dira beaucoup de vous, notamment de votre capacité à maîtriser la pratique parce que guider ne consiste pas uniquement à marcher dans la brousse et à connaître les animaux. Vous devez également connaître la plomberie, l’électricité, la mécanique, le contrôle du personnel et le travail d’équipe et de nombreux autres aspects d’un métier qui fait de vous un véritable couteau suisse.
Deux examinateurs viennent dans votre camp et commencent à vérifier votre travail, la position de votre camp, l’endroit où vous avez installé les tentes, la cuisine, les salles de bain. Puis ils vous interrogent sur les raisons pour lesquelles vous avez fait ce que vous avez fait. Ils vérifieront si la cuisine est bien placée par rapport au vent entrant dans les tentes afin que la fumée ne stagne pas à l’intérieur. Les toilettes sont-elles correctement placées pour éviter les odeurs, sont-elles bien construites et fonctionnent-elles correctement ? Les tentes sont-elles à l’ombre, proposent-elles une vue idéale ? Beaucoup de questions qui nécessitent autant de bonnes réponses.
Guider ne consiste pas uniquement à marcher dans la brousse et à connaître les animaux
Lors de l’examen final, plusieurs équipes de candidats se retrouvent. Les guides de chaque groupe se sont associés pour organiser les parties. Ces nouvelles équipes resteront les mêmes pendant les tests de la semaine. L’examen se déroule maintenant comme un camp normal. Tôt le matin, réveil et safaris pour toute la journée. Les examinateurs posent toujours leurs multiples questions.
Quel est le nom latin de cet arbre ? Quelles sont les utilisations médicales de cet arbuste ? Quel est le nom Shona, le nom Ndebele de cet animal ou de cet arbre ? Quel papillon pond ses œufs sur cette feuille et pourquoi cette herbe ? Quel animal la mange, quel oiseau fait son nid à partir de cette herbe ? Un flot continu de questions qui tend à tester vos connaissances même si parfois les examinateurs ne connaissent pas eux-mêmes les réponses.
En fonction de votre expérience de chasse (vous devez avoir expérimenté au moins 4 animaux dangereux, par exemple 3 éléphants et 1 buffle), la prochaine étape de l’examen passe au tir. Si vous avez déjà beaucoup d’expérience de la chasse, on ne vous demandera pas de tirer sur un animal. Ceux qui n’ont pas cette expérience devront maintenant partir à la chasse. Lors d’un examen, il y aura un total de 8 animaux autorisés à être chassés (buffles et éléphants).
Pendant la chasse, les deux examinateurs surveillent chaque aspect de vos talents (skills) : votre habileté au moment de pister, l’utilisation que vous faites du vent, votre confiance en vous pendant la chasse, votre capacité à vous mettre en position de tir. Lorsque vous devez tirer, vous devez tuer l’animal en un seul coup. One shot ! La pression peut être énorme et le risque d’échec immédiat est grand.
La durée moyenne pour l’obtention d’une licence de guide oscille entre trois et six ans
Une fois que l’animal a été abattu, l’équipe de 4 candidats doit ensuite dépecer l’animal et obtenir le résultat demandé après une chasse. 4 personnes pour traiter un éléphant c’est une tâche très ardue. Ils commencent à 10 heures du matin et finissent à 10 heures du soir, puis ils doivent rentrer au camp pour préparer leur peau avant de la tanner.
Avant de saler, ils doivent totalement nettoyer l’intérieur de la peau jusqu’à 11 heures le lendemain matin. Les examinateurs sont arrivés, ils vérifient que tout se passe bien, puis ils donnent 45 minutes aux candidats pour se préparer à un nouveau test. Cette fois, les questions concernent la météo, les formations nuageuses, puis le soir les formations d’étoiles, les constellations, la méthodologie grecque.
Voilà, cet incroyable parcours du combattant est enfin terminé. Il vous faut attendre la fin de l’analyse des examinateurs et l’annonce de votre résultat. Cette année-là, sur les 24 candidats du groupe Adam, seuls 4 candidats ont réussi. Il faut au minimum deux ans pour obtenir votre licence de guide, Adam a mis 3 ans et demi, la durée moyenne oscille entre trois et six ans.
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Franck Pelé – Makila Voyages
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